Le tarissement a été fatal

Cet été, nous sommes appelés par un éleveur, hors de notre clientèle, car il vient de perdre une vache vingt-quatre heures après son tarissement. Il m’explique que neuf sont déjà mortes en trois mois, dans les vingt-quatre à qua­rante-huit heures après le tarissement. Les vaches mortes ont été soit vues par le vétérinaire traitant, soit expertisées par le vétérinaire de l’assurance, avec pour conclusion que six vaches seraient mortes d’entérotoxémie et deux de choc anaphylactique. Pendant notre échange téléphonique, je lui dis que cette mortalité est très probablement liée à des mammites à Pseudomonas, qui se déclenchent au tarissement. L’éleveur est dubitatif car aucune mammite n’a été mise en évidence sur les vaches mortes.

L’hypothèse des Pseudomonas testée

Le lendemain, je me rends dans l’élevage. L’examen des quartiers de la vache morte montre un lait modifié. En revanche, l’aspect du quartier semble normal. En discutant de ses pratiques de tarissement, j’apprends qu’il est fait sans transition alimentaire et avec un arrêt net de la traite. Un tube intra-mammaire antibiotique est administré dans chaque quartier, après désinfection des trayons. L’éleveur ne croyant toujours pas à l’hypothèse des mam­mites, nous décidons de modifier­ les pratiques. Les vaches passeront en monotraite quelques jours avant tarissement et leur ration de lactation sera maintenue (en quantité moindre) les premiers jours du tarissement.

Mesure 1 Renforcer la qualité de l’eau

À la fin de la semaine, l’éleveur nous appelle car il vient de tarir une vache qui est malade. Le lait d’un quartier était très modifié et elle a de la fièvre. Une bactériologie à la clinique confirme une mammite à Pseudomonas. Ces mammites étant très liées à la qualité de l’eau et à l’hygiène de la mamelle, nous abordons tous ces points. Le système d’eau est composé d’une cuve de 10 000 l alimentée par un puits et traitée par une pompe à chlore, ainsi que d’une cuve tampon de 1000 l. Pseudomonas étant une bactérie résistante au chlore, nous décidons de vidanger la cuve tampon et d’augmenter fortement la quantité de chlore. La température de nettoyage des lavettes passera de 50 °C à 80 °C.

Mesure 2 davantage d’hygiène à la traite

L’éleveur, qui nettoyait les trayons avec une lavette pour 2 vaches, passera à une lavette unique, afin de limiter la propagation du germe entre les vaches. L’extrémité du trayon sera désinfectée avec une lingette d’alcool non dépliée, afin d’augmenter la concen­tration d’alcool en contact avec le sphincter.

Mesure 3 Précautions sanitaires au tarissement

Les tubes à tarir ne seront pas changés car Pseudomonas est résistant à beaucoup d’antibiotiques. La canule ne sera insérée que partiellement, afin d’éviter d’inoculer un germe au moment de l’administration. Au tarissement, des tests PCR seront réalisés sur le lait des quatre quartiers afin de savoir si la vache est porteuse de la bactérie. Si c’est le cas, des antibiotiques par voie injectable seront ajoutés et la vache passera en monotraite le temps d’éliminer le germe.

À la suite de la mise en place de ce protocole, aucune vache tarie n’est morte. Les PCR réalisées sur 20 animaux ont détecté trois vaches porteuses­. Puisque la situation est stabilisée, le protocole a été allégé, notamment en ce qui concerne les PCR et l’antibiothérapie.

Pas de symptôme pendant la lactation

Les Pseudomonas sont des germes portés par certaines vaches. Tant que la vache est traite, ils ne causent pas de mammite car ils sont expulsés du quartier à chaque traite. En revanche, dès qu’elle est tarie, ils provoquent une mammite suraiguë avec une septicémie foudroyante qui tue la vache en quelques heures. Les signes locaux de mammite n’ont pas même le temps de se manifester. Seule une modification du lait est visible. Pseudomonas est un germe très résistant aux antibiotiques. Il n’existe que des mesures de prévention pour s’en débarrasser.